Un «Out» risque d’attiser la concurrence fiscale

Jan Tuerlinckx

On peut effectivement s’attendre à ce qu’un éventuel Brexit engendre une réorientation économique. Car en faisant cavalier seul, la Grande-Bretagne pourra livrer une lutte (de pouvoir) fiscale avec l’Europe.

Avec un Brexit, la Grande-Bretagne ne serait plus liée par le zèle réglementaire de plus en plus présent au sein de l’Union. Comme le fait depuis longtemps l’Amérique, la Grande-Bretagne pourrait déterminer son propre cours, même sur le plan fiscal.

Étant donné ses accords internationaux contraignants, elle pourra exploiter pleinement sa souveraineté fiscale. Dès lors, il y a de fortes chances que la Grande- Bretagne se profile comme un pays fiscalement attrayant sur le continent européen.

Liberté fiscale

Elle ne sera en effet plus liée par le penchant européen à l’harmonisation, non seulement sur le plan de la TVA, mais aussi sur celui de l’impôt sur le revenu. Les nouveaux incitants fiscaux britanniques ne pourront plus être examinés à la lumière d’aides d’État interdites, ni être confrontés à la libre circulation par la Cour de Justice.

Une telle évolution pèse comme une épée de Damoclès sur la politique fiscale des États membres. Car si la Grande-Bretagne quitte l’Europe, elle aura une plus grande liberté fiscale. Elle ne sera vraisemblablement plus liée par ses accords internationaux.

Pour autant, la Grande-Bretagne ne pourra pas passer simplement outre ses obligations Beps, Fatca et autres. Les bénéficiaires finaux de structures peu transparentes ne doivent donc pas se frotter immédiatement les mains.

Le doigt dans l’oeil

Mais ceux qui pensent que des conditions de concurrence équitables seront créées entre la Grande- Bretagne et ses anciens collègues de l’Union européenne se mettent le doigt dans l’oeil.

Alors que les États membres de l’UE se trouveront enfermés dans un carcan, comme les dispositions de la directive anti-Beps, la Grande- Bretagne pourra agir plus modérément et en retirer un avantage concurrentiel.

Rien d’étonnant dès lors à ce que l’Europe retienne son souffle. Elle a par exemple déjà décidé – stratégiquement – de reporter les auditions publiques, qui étaient planifiées début juin dans le cadre du renforcement de la réglementation relative aux bénéficiaires effectifs de trusts et d’entreprises «boîtes aux lettres», à une date ultérieure au référendum britannique.

On craignait en effet qu’un renforcement de la transparence sur la propriété des trusts en Grande-Bretagne puisse influencer le référendum. Dans ce pays, les trusts sont très utilisés pour éviter les droits de succession. C’est pour cela que la Grande-Bretagne a sa propre législation relative aux trusts. Si l’Europe l’avait contrainte à renforcer ces règles, cela aurait pu influencer un Brexit.

Imaginez que le Brexit devienne réalité, on peut alors s’attendre à ce que de nombreux bénéficiaires effectifs déplacent leur patrimoine vers la Grande-Bretagne.

Un Brexit ne se limiterait évidemment pas qu’aux avantages fiscaux. Bien que la voie soit ouverte pour créer une politique de TVA concurrentielle, une discordance entre le système britannique et le régime européen parfaitement huilé pourrait, par exemple, entraîner des retards considérables entre les versements et les remboursements de TVA.

En ce qui concerne l’impôt sur le revenu, les versements intragroupe entre une société britannique et européenne, qui sont en principe aujourd’hui exonérés par des directives, seraient abandonnés.

La tendance inverse est donc aussi envisageable: que de nombreux Britanniques déplacent leur siège social vers un autre pays européen. Quant à savoir s’il s’agira de la Belgique, cela reste à voir… Pour être attrayante, la Belgique devra fortement peaufiner son régime des sociétés… si l’Europe l’autorise, évidemment.

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