Processus 110

Jan Tuerlinckx

Dans sa réponse à une question parlementaire, le ministre des Finances a confirmé l’existence de l’instruction « Processus 110 ».

Ce processus enjoint les fonctionnaires en charge du traitement des réclamations de rejeter toute réclamation n’apportant aucun élément neuf par rapport aux arguments déjà invoqués par le contribuable face au contrôleur des impôts qui a mené le contrôle fiscal. Cette instruction ne peut que susciter des réactions furieuses, précisément parce qu’elle va à l’encontre de l’essence de la réclamation dans la procédure fiscale.

Le Code des impôts sur les revenus prescrit en effet qu’en cas de problème avec le redressement suite à un contrôle fiscal, le contribuable a le droit de le soumettre pour contestation à un autre fonctionnaire plus gradé. Le code est particulièrement clair à ce sujet. Le contribuable doit être entendu dans une procédure de réclamation s’il le demande, et le conseiller général est tenu de prendre une décision qu’il doit explicitement motiver. En tant qu’autorité administrative, le conseiller général est en outre tenu de respecter les principes de bonne administration. Il convient de souligner qu’il n’existe aucune contestation à ce sujet. Plusieurs instructions et commentaires administratifs le confirment par ailleurs. Ces principes de bonne administration impliquent entre autres que le conseiller général respectera l’interdiction d’abus de pouvoir et s’acquittera scrupuleusement du devoir de diligence qui lui incombe. Il veillera également à ce que le principe de fair-play ne soit pas bafoué. Last but not least, il se montrera aussi impartial. Cela ne signifie ni plus ni moins qu’il appartient au conseiller général d’étudier et de juger en toute impartialité le dossier qui lui est soumis. Et cela signifie donc évidemment aussi qu’il se montre critique par rapport à l’attitude des fonctionnaires qui procèdent à la taxation. Il se prononce à propos de la taxation. Il ne lui appartient en aucun cas de défendre la taxation contestée.

Un droit de réclamation qui fonctionne bien fait partie intégrante de l’examen de l’imposition.

Pas besoin de beaucoup plus d’arguments pour faire comprendre que l’instruction « Processus 110 » suscite l’animosité de bon nombre de personnes concernées et notamment du contribuable. À cause de cette instruction, le contribuable qui a déjà présenté tous ses arguments à son contrôleur voit s’envoler la possibilité d’un jugement objectif par l’administration fiscale elle-même. Et c’est à juste titre un bafouement de l’état de droit. La réclamation est d’ailleurs essentielle. Dans un contrôle fiscal, le contribuable s’oppose souvent tel David à Goliath. Lors d’un contrôle, les fonctionnaires disposent de toutes les ressources pour arriver à leurs fins. Un droit de réclamation qui fonctionne bien fait partie intégrante de l’examen de l’imposition. Il est aussi lourdement sous-estimé dans la pratique. La réclamation a pour but d’avoir à court terme une première évaluation du litige fiscal. N’oublions pas que les dommages que l’administration cause aux contribuables en percevant des impôts qui ne sont pas dus, vont d’importants à énormes.

On pourrait penser que le « Processus 110 » est un chapitre kafkaïen, mais ce n’est malheureusement pas le cas. Cela n’a donc rien d’une fiction, c’est une triste réalité. Suite à cette instruction, certains ont proposé de supprimer purement et simplement la procédure de réclamation. Mais cela reviendrait à jeter le bébé avec l’eau du bain. Des statistiques [statistiques Trends du dernier article de Michel Maus sur les intérêts] révèlent que dans 75 % des cas, les redressements d’impôts sont ajustés pendant la phase de réclamation. Il aurait donc été préférable de renforcer les règles applicables à la réclamation que de relâcher la brise. Si la réclamation était supprimée, toutes ces contestations devraient être traitées au tribunal. Irréalisable sur le plan organisationnel. Et encore : certains contentieux fiscaux peuvent difficilement être jugés par le tribunal. En cas de contentieux judiciaire, le champ d’action du juge est limité. Il doit se prononcer sur la base des conclusions des parties, et il a moins la tâche de recherche de la vérité. De ce fait, certaines contestations, comme celles qui concernent les frais professionnels, peuvent difficilement être jugées par le tribunal. Dans la phase de réclamation, le conseiller général a reçu la compétence d’effectuer des recherches supplémentaires. La réclamation n’est donc ni plus ni moins qu’un moyen très précieux dans le maintien efficace du droit fiscal. Faisons de cet article un fervent plaidoyer en faveur de la renaissance de la réclamation.

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