Heureusement que Caterpillar a bénéficié des notionnels…

Jan Tuerlinckx

La part de l’impôt des sociétés dans les recettes de l’État oscille chaque année entre 6 et 7%. L’importance des taxes sur le travail pour les caisses de l’État est trois à quatre fois plus élevée. Mais si l’on ajoute les revenus de la sécurité sociale à cet impôt des personnes physiques, force est de constater que les revenus de la fiscalité sur le travail sont presque dix fois plus élevés que ceux de l’impôt des sociétés.

C’est peut-être moins que ce que vous pensiez initialement. L’importance nominale de l’impôt des sociétés est souvent surestimée. Il en va différemment de l’impact de l’impôt des sociétés sur le tissu économique.

L’impôt des sociétés ne peut pas être le carburant du moteur qui pilote notre tissu économique, c’est bel et bien le carburateur qui détermine l’apport en oxygène. Et cet oxygène doit être présent pour que le moteur tourne.

Diverses analyses détaillées ont été faites sur l’impôt des sociétés que payait – ou plutôt ne payait pas – Caterpillar. L’exaspération venait en outre du fait que Caterpillar aurait déduit quelque 150 millions d’euros d’intérêts notionnels au cours de la dernière décennie.

Sur cette même période, cela aurait généré une économie d’impôt d’un bon 60 millions d’euros. Donc environ 6 millions d’euros par an. L’impôt des sociétés nominal payé était par conséquent plutôt limité.

Le revers de la médaille

Cette estimation est probablement correcte. Mais le pire, c’est qu’elle met uniquement une partie de la réalité en lumière. Le revers de la médaille est aussi que l’entreprise emploie 2.200 collaborateurs. Chacun d’entre eux gagne un salaire sur lequel est prélevé un précompte professionnel et sur lequel l’impôt des personnes physiques doit être payé.

Même dans une estimation conservatrice, Caterpillar doit avoir généré chaque année environ 12 millions d’euros d’impôt pour notre trésor public. Et c’est sans compter les cotisations sociales. En en tenant compte, un calcul – même conservateur – avoisinerait les 20 millions d’euros sur une base annuelle.

De plus, la fermeture de Caterpillar coûte également leur emploi à ces 2.200 travailleurs. Imaginez qu’un tiers d’entre eux retrouve un emploi sans pousser d’autres travailleurs au chômage. Et qu’un tiers décroche aussi un nouveau job mais avec l’effet inverse. Et que le dernier tiers reste simplement au chômage.

Dans ce cas, le chômage augmenterait d’environ 1.500 personnes. Si le coût d’un chômeur est de 800 euros par mois, le coût supplémentaire pour la caisse avec un grand trou – celle de l’État – serait d’environ 15 millions d’euros par an.

Ces chiffres suffisent amplement pour suggérer qu’une fermeture d’entreprise comme celle-là ne provoque pas un trou financier, mais bien un cratère. Il convient en outre de multiplier ces chiffres par trois. Sur le plan économique, on estime que la chute de Caterpillar entraînera encore la perte de 4.000 emplois indirects.

Goutte d'eau dans un océan

Les 6 millions d’euros d’impôts qu’économisait chaque année Caterpillar avec la déduction des intérêts notionnels doivent encore être mis en balance avec les autres recettes fiscales et le coût d’opportunité si Caterpillar cessait ses activités belges.

Maintenant que les chiffres sont quelque peu expliqués, on ne peut pas qualifier ces 6 millions de goutte d’eau dans un océan. Et heureusement que nous avions la déduction des intérêts notionnels, sinon la fermeture serait survenue plus tôt ou l’entreprise n’aurait pas aussi largement misé sur son site belge au cours des dernières années.

Dans les deux cas, cela nous aurait coûté bien plus à nous, les Belges. Ou rapporté beaucoup moins.

Afin de mettre les choses en perspective, les entreprises qui, en Belgique, paient plus de 25 millions d’euros par an d’impôt des sociétés font partie du top 20 des plus gros payeurs d’impôt des sociétés.

Cette histoire douloureuse démontre donc qu’il ne faut pas regarder aveuglément les recettes de l’impôt des sociétés. Bien au contraire, cet impôt doit faire office de catalyseur pour créer de l’emploi.

L’impôt des sociétés doit donc baisser pour créer plus d’emploi. Et le plus ironique, c’est que si nous travaillions tous, il serait même possible de baisser l’impôt des personnes physiques. Mais notre Premier ministre le savait déjà. C’est de lui que vient la célèbre déclaration: «Jobs, jobs, jobs»!

 

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