Trous dans le sable et astreintes (Column Trends 1/9/2022)

Jan Tuerlinckx

De nombreux enfants en ont sans doute encore fait l’expérience cet été : creuser un trou profond dans le sable est plus difficile qu’il n’y paraît. La meilleure solution consiste à creuser un trou large. Cela vaut également pour les questions intellectuelles, y compris juridiques et fiscales. Lors de mes premières années en tant qu’avocat, mon maître de stage, Victor Dauginet, m’a incité à faire place à la curiosité juridique et à élargir mon expérience. Bien plus que l’avocat fiscaliste moyen, j’ai fait des incursions en dehors de la fiscalité pure, avec de temps à autre un bon procès commercial. J’ai donc souvent eu affaire au juge des référés.

Qui dit référé dit aussi exécution forcée et astreintes. Plus de 20 ans plus tard, ces exercices semblent m’avoir fourni une précieuse expérience.

Avant même ses vacances parlementaires, qui débutent en juillet, le Conseil des ministres a adopté un avant-projet de loi visant à apporter d’importantes modifications à la procédure fiscale. Le point d’orgue ? Dorénavant, le fisc peut imposer une astreinte à un contribuable peu docile pour le contraindre à collaborer à un contrôle fiscal. Inutile de dire que cela suscite une certaine agitation. Un contribuable peut-il réellement être contraint ? Et dans quelles circonstances ? Cela devra être évalué à la lumière de la jurisprudence européenne sur l’interdiction de l’auto-incrimination.

La nouvelle loi présente par ailleurs un aspect particulièrement inattendu. Aujourd’hui, le contrôle judiciaire de ce que le fisc est autorisé – et surtout pas autorisé – à faire est bien éloigné du contrôle fiscal. Il interprète fréquemment le contrôle fiscal comme une perquisition fiscale. Trop souvent, le contribuable résigné doit le subir et ne peut se défendre que post factum. Le vent peut à présent tourner. Si le contribuable ne collabore pas spontanément aux vérifications, la loi stipule que le fisc forcera cette collaboration par une astreinte

Le fisc devra toutefois l’obtenir auprès d’un juge des référés. Une révolution copernicienne ! Car jusqu’à présent, c’est le contribuable qui doit prendre l’initiative d’en référer au juge.

Le législateur n’a peut-être pas non plus tenu compte du fait que le contribuable doit être impliqué dans cette procédure. Le fisc ne pourra pas saisir la justice dans le dos du contribuable pour obtenir dare-dare une astreinte. Les requêtes unilatérales sont certes envisageables dans notre système judiciaire, mais elles font figure d’exception absolue. Et cette exception ne peut s’appliquer lorsqu’il existe un différend ouvert et préexistant à propos de l’application de la loi.

Et heureusement, les astreintes ne peuvent être imposées juste comme ça, ni pour des généralités. Non, il doit s’agir d’actes particulièrement bien définis. Par ailleurs, un juge des référés devra également vérifier si l’acte pour lequel une astreinte est imposée a une base factuelle et légale correcte. Devant le juge des référés, le fisc devra justifier quel acte il veut exactement forcer. Le contribuable pourra présenter ses observations avant même que le fisc ne puisse poser des actes d’instruction.

Trop souvent, le contribuable résigné doit subir un contrôle fiscal et ne peut se défendre que post factum. Le vent peut à présent tourner.

Un exemple : si le fisc veut copier des données, l’administration devra indiquer de quelles informations il s’agit et où elle pense pouvoir les trouver. Le contribuable pourra alors aussi demander directement des garanties de procédure. Selon toute probabilité, les premières procédures porteront sur la purge des informations confidentielles et la mise en place de garanties relatives au traitement de l’information. Ne vous fiez pas aux apparences. Et encore moins avec cette loi. Installée comme un fléau pour le contribuable, elle s’avérera souvent une bénédiction dans la pratique. 

L’AUTEUR EST AVOCAT ASSOCIÉ CHEZ TUERLINCKX TAX LAWYERS

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