Les bons comptes font les bons amis, même en ce qui concerne la fiscalité des travailleurs transfrontaliers

Bjorn Van Hees | Tuerlinckx Tax Lawyers
Bjorn.Vanhees@tuerlinckx.eu

La crise du coronavirus nous confronte à des défis inédits. Et la fiscalité internationale n’y échappe pas. Entre le 18 mars et le 15 juin 2020, une interdiction générale d’entrée et de sortie du pays s’appliquait aux déplacements non essentiels. De plus, le télétravail était une obligation pour tous les travailleurs dont la fonction s’y prêtait.

Les résidents belges qui traversent la frontière pour travailler à l’étranger – de même que les étrangers dans la situation inverse – ne pouvaient donc en principe plus effectuer leurs déplacements quotidiens, hebdomadaires ou mensuels. Cela donne lieu à des complications, plus spécifiquement quant à la question de savoir quel pays peut lever des impôts sur les rémunérations. Ce pouvoir d’imposition est en effet généralement déterminé sur la base de la « règle des 183 jours ». Les jours de travail en Belgique sont repris dans le calcul des 183 jours. Mais les jours de congé, les jours de maladie et les jours de chômage sont également ajoutés aux jours de travail en Belgique lorsque le travailleur passe ces journées en Belgique.

La Belgique a entre-temps conclu des accords avec la France et le Luxembourg. D’après le Ministre des Finances Alexander De Croo, un accord est en préparation avec les Pays-Bas. Mais en dépit de ces accords, le point de vue qu’adoptera l’administration des finances quant aux modalités pratiques manque encore de clarté. Comment sera déterminée la résidence fiscale et comment la règle des 183 jours sera-t-elle calculée dans ces circonstances particulières ?

Le fisc belge doit clarifier de toute urgence certaines situations, plus précisément en ce qui concerne :
 

  1. la manière dont la règle des 183 jours sera interprétée pour les non-résidents ayant leur activité professionnelle en Belgique et dont les revenus sont susceptibles d’être imposés en Belgique ;
  2. la qualification de la résidence fiscale pour les Belges qui ont été détachés à l’étranger mais sont rentrés en Belgique durant le confinement. Par exemple pour bénéficier de meilleurs soins médicaux ou aider des membres de la famille en ayant besoin. Il en est de même pour les récents résidents fiscaux belges qui sont revenus à leur ‘précédent état de résidence’, pour ces mêmes raisons ou des raisons similaires ;
  3. la prévention de la double imposition pour les résidents fiscaux belges qui sont imposés à l’étranger à cause d’un emploi à temps plein à l’étranger (état d’emploi). Et pour lesquels cet état accepte à présent qu’une journée de télétravail imposée en Belgique doit quand même être considérée comme une journée de travail dans l’état d’emploi. C’est par exemple le cas des Pays-Bas. Cela donnera effectivement lieu à une double imposition, car la Belgique considère cette même journée de télétravail comme imposable en Belgique. De la clarté et de la cohérence sont nécessaires à ce sujet ;
  4. la prévention de la double imposition pour les non-résidents qui sont employés à temps plein en Belgique et y sont également imposables sur les revenus en découlant : lorsque le travailleur fait du télétravail dans l’état de résidence et l’employeur belge prélève un précompte professionnel tandis que le travailleur est imposable sur la rémunération de ces journées de télétravail dans l’état de résidence ;
  5. la manière dont le précompte professionnel doit être déclaré et payé dans les cas susmentionnés.
     

Sans explications, l’incertitude juridique risque de régner en maître sur les contrôles fiscaux de l’exercice d’imposition 2021 (année de revenus 2020). Le dindon de la farce ? Le travailleur qui risque de payer deux fois.

Sans ces précisions indispensables, la déclaration d’impôt pour l’exercice d’imposition 2021 (année de revenus 2020) s’apparentera davantage à un pari calculé. Et ce n’est souhaitable pour personne.

Les bons comptes font les bons amis. Également en ce qui concerne la fiscalité relative à l’emploi international.

L’administration doit agir. Pas aujourd’hui, mais hier.

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