Le plan cafétaria sous haute tension

Jan Tuerlinckx

Car certains salariés, indépendants et chefs d’entreprise reçoivent une intervention partielle pour l’électricité ou le chauffage. Un avantage imposé forfaitairement. Quand les prix de l’énergie augmentent, les entreprises et les employeurs paient plus pour octroyer cet avantage. Le bénéficiaire paie toujours la même chose au fisc. Il en a donc plus pour son impôt.

La fourniture gratuite d’électricité n’est de loin pas le seul avantage de toute nature. Les voitures de société, GSM, PC, tablettes et abonnements internet en sont autant d’autres. L’avantage peut aussi concerner un logement gratuit et même un jardinier, un chauffeur ou du personnel de maison. La commission de ruling a même évoqué les nounous. Pourtant, la fourniture gratuite d’électricité a dû particulièrement déranger le gouvernement De Croo. Car dès le début de la crise énergétique, il s’est empressé – avec une rapidité vraiment inhabituelle – de supprimer l’impôt forfaitaire sur la fourniture gratuite d’électricité. Depuis le 1er janvier 2022, les bénéficiaires de cet avantage sont taxés sur leur consommation réelle d’électricité, tout au moins dans la mesure où l’avantage n’est pas octroyé en même temps que celui du logement gratuit. Pour cette dernière catégorie, la taxation forfaitaire reste de mise.

Selon ses propres dires, le gouvernement prend ainsi de l’avance sur la vaste réforme fiscale en préparation. Ce gouvernement veut supprimer les avantages de toute nature. Adieu formes alternatives de rémunération, bonjour rémunération en euros. Les plans cafétéria, le système dans lequel les travailleurs ont leur mot à dire dans la composition de leurs avantages, sont la tête de Turc de la nouvelle réforme fiscale. Mais cette réforme est encore loin d’être achevée. De plus, l’avantage de l’électricité ou du chauffage gratuit n’est pas le seul avantage repris dans ces plans cafétéria. Alors pourquoi s’attaquer aussi soudainement, durement et unilatéralement à un seul avantage ?

Autre question épineuse : pourquoi l’avantage de l’électricité ou du chauffage n’est-il pas supprimé quand il est accordé avec le logement gratuit ? Je me demande ce qu’en pense le Conseil d’État.

Pour vérifier la qualité du travail législatif, en l’occurrence un arrêté royal, il faut demander l’avis du Conseil d’État. Ici, il a fallu chercher quelque peu cet avis, qui n’a pas été publié comme on en a l’habitude. Et ce n’était pas sans raison. Le Conseil d’État conclut que la suppression sélective de l’avantage de l’électricité et du chauffage gratuits constitue une violation du principe constitutionnel d’égalité. Il ne voit pas comment justifier raisonnablement la distinction de l’imposition pour l’avantage de toute nature avec ou sans logement gratuit. Mais cet avis a été balayé sous le paillasson. « La vérité blesse » n’est pas un adage juridique, même s’il semble parfaitement pertinent ici.

Ce gouvernement veut supprimer les avantages de toute nature. Adieu formes alternatives de rémunération, bonjour rémunération en euros

Il est écrit dans les étoiles que la validité de l’arrêté royal sera contestée au motif qu’il est contraire à la Constitution. Le gouvernement aurait cependant dû le savoir. Sous le gouvernement Michel, le fisc avait déjà grincé des dents à propos du caractère discriminatoire de l’avantage de toute nature pour le droit au logement, ce qui a entraîné une modification de l’arrêté royal. L’histoire se répète. Une autre conclusion est que les plans cafétéria sont sous haute tension. Les travailleurs qui en bénéficient et les employeurs qui les proposent doivent en avoir conscience.

 

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