Le droit d’auteur est la nouvelle voiture salariale

Jan Tuerlinckx

La fiscalité guide notre comportement. Les gens évitent les opérations ou les revenus lourdement taxés et cherchent une exonération fiscale et une faible imposition. L’administration y réagit, mais lorsque le contribuable prend lui-même des initiatives pour payer un minimum d’impôts, cela s’appelle de l’évasion ou de la fraude fiscale. La voiture salariale, l’étoile du firmament de la politique de rémunération attrayante, en fait les frais. Elle est sous pression, mais il est difficile de la supprimer car elle constitue une forme de rémunération. Dans certaines branches, la recherche de collaborateurs compétitifs est vouée à l’échec si cette voiture ne fait pas partie de l’enveloppe salariale.

Une bonne législation doit être simple et objectivement applicable.

Une nouvelle étoile s’est ajoutée à ce firmament ces dix dernières années : les revenus issus de droits d’auteur. Le tarif d’imposition ne s’élève qu’à 15 pour cent jusqu’à 61.200 euros (exercice d’imposition 2019). Au-delà, le tarif normal d’imposition est d’application, jusqu’à 50 pour cent. Des frais peuvent être déduits des revenus et un forfait de frais s’applique aussi aux droits d’auteur. Sur la première tranche de 16.320 euros, la moitié est exonérée en tant que frais. Et encore un quart sur la tranche suivante de 16.320 euros. En fonction du montant de la rémunération, les revenus professionnels issus de droits d’auteur sont donc imposés à un tarif compris entre 7,5 et 12 pour cent.

À l’instar des voitures salariales, les indemnités pour droits d’auteur sont utilisées lors du recrutement et de la sélection du personnel. Cela fait déjà peser une certaine pression sur le marché de l’emploi. Les employeurs qui proposent une telle rémunération ont une longueur d’avance. Contrairement à une voiture salariale que l’employeur peut proposer pour ainsi dire en toute circonstance et dans chaque secteur, une indemnité pour droit d’auteur ne peut être octroyée que si des droits d’auteur sont cédés dans la relation de travail. Le système est en outre moins objectif.

En créant ce régime fiscal, le législateur ciblait sans aucun doute le travail à orientation artistique, comme les livres, les articles de magazine, les tableaux, les sculptures, le théâtre, le cinéma, les scénarios, les enregistrements musicaux, les chorégraphies, etc. Mais le législateur s’étouffe probablement en constatant ce que comprennent encore les droits d’auteur, comme les plans de construction, les illustrations, les photos, les brochures, certains exposés et logiciels. Avec un peu de créativité, cette appellation peut englober beaucoup de choses. Il n’est donc pas toujours évident de savoir ce qui relève ou non des droits d’auteur. Un deuxième problème consiste à savoir quelle est la valeur correcte de la cession du droit d’auteur. S’il peut y avoir discussion sur ce qui relève ou non du droit d’auteur, la question de l’indemnisation correcte de celui-ci fait encore plus débat.

En cas d’incertitude, la commission de ruling est un refuge sûr. Elle émet des décisions anticipées quand il s’agit de savoir si quelque chose relève du droit d’auteur et de la rémunération appropriée. Mais tout le monde ne fait pas l’effort de se déplacer à Bruxelles. Indépendamment du fait que la commission de ruling est de plus en plus sollicitée et peut-être même sursollicitée sur certains points, une bonne législation devrait être simple et objectivement applicable. Le contrôle est alors lui aussi simple. Mais ce n’est nullement le cas pour la rémunération des droits d’auteur.

La législation est paradoxale. Elle a vu le jour pour guider le comportement : le contribuable doit s’impliquer davantage dans ce qui est créatif et créateur. Maintenant qu’il a trouvé la voie indiquée, un nouveau danger guette. L’application du droit d’auteur pourrait, dans certains cas, être qualifiée de fraude ou d’évasion fiscale. Il est très probable que l’employeur se voie attribuer beaucoup de reproches dans ces discussions. N'oublions toutefois pas que le législateur a voulu et stimulé ce système, et qu’il a omis de créer une législation claire.

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