Le bataille des droits d'auteurs

Jan Tuerlinckx

Depuis que j'écris des articles pour ce magazine, c'est la troisième fois que j'en consacre un aux revenus des droits d'auteur. Peu de dispositions fiscales ont une histoire aussi mouvementée. Au cours de la dernière décennie, les droits d'auteur ont été l'étoile au firmament de l'optimisation salariale.

Rien de surprenant à cela. En fonction du montant de la rémunération, les revenus des droits d'auteur sont imposés à un taux effectif – compte tenu de la déduction des frais – compris entre 7,5 et 11,25 %. Une sacrée différence par rapport au taux marginal de 50 % dans l'impôt des personnes physiques !

Au cours de la dernière décennie, le volume des rémunérations accordées au titre de droits d'auteur est passé d'un peu plus de 100 millions d'euros à plus de 450 millions d'euros par an. Conséquence ? Des dizaines de rulings ont vu le jour en matière de droits d'auteur. Les entreprises qui souhaitent verser une rémunération pour droits d'auteur à leur personnel feraient bien de se renseigner au préalable auprès du fisc. Si elles ne le font pas, ce n'est pas dans le but de tromper le fisc et le trésor public, mais d'alléger la fiscalité très lourde qui pèse sur le travail et de rester compétitives sur le marché international de l'emploi. Si je ne me trompe, c'est l'un des objectifs du gouvernement.

Dès le premier projet de réforme fiscale, il est clairement apparu que le régime des droits d'auteur devait être remanié. Parce qu'il ne répondrait pas aux objectifs d'un système fiscal moderne et légitime. La proposition du ministre Van Peteghem consistait en une fusée à trois paliers. Primo, le traitement fiscal favorable des droits d'auteur ne pourrait être appliqué que pour un faible montant. Secundo, le taux effectif d'imposition serait également augmenté. Tertio, un numerus clausus serait introduit pour ceux qui seraient encore susceptibles de bénéficier du régime.

À ce dernier palier, la mécanique de la fusée s’est enrayée. Et pour une bonne raison. Lors de la conception du régime fiscal, aucune distinction n'a été faite sur l'origine des droits d'auteur

N'importe quel droit d'auteur était éligible : des œuvres à caractère artistique, comme des livres, articles, tableaux, sculptures, pièces de théâtre, scénarios de films, enregistrements, chorégraphies, etc., mais aussi des droits d'auteur acquis dans un environnement plus professionnel, comme des plans de construction, illustrations, photos, brochures, certaines conférences et logiciels. Selon le ministre Van Peteghem, seuls les « vrais » artistes, les journalistes et les développeurs graphiques dans le domaine du gaming seraient encore éligibles.

Une question se pose alors : sur quelle base peut-on encore justifier que certains droits d'auteur sont éligibles au traitement fiscal favorable et d’autres pas ? À première vue, il s'agit à chaque fois de droits d'auteur créés dans le contexte professionnel. Pourquoi un groupe restreint pourrait-il les revendiquer et pas les autres ? 

Quelle est la différence entre un programmeur graphique dans le

gaming et n'importe quel autre programmeur logiciel ?

Simplement parce qu'ils travaillent dans le mauvais secteur ? On peut encore dire des artistes qu'ils travaillent sur un projet pendant plusieurs années et que le revenu est souvent généré au cours d'une année en particulier. Mais quelle est la différence entre un programmeur graphique dans le gaming et n'importe quel autre programmeur logiciel ?

Le législateur ne peut faire de discrimination et le gouvernement est apparemment – et heureusement – parvenu à la même conclusion. Ainsi, la suppression du régime des droits d'auteur semble être une tempête dans un verre d'eau. Je me demande si cela aura également un impact sur les contrôles en cours. z

 

L’AUTEUR EST AVOCAT ASSOCIÉ CHEZ TUERLINCKX TAX LAWYERS

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