La loi du plus fort dans le secteur financier

Jan Tuerlinckx

Je suppose que la gestion d’entreprise vous intéresse. Et si vous lisez cet article, c’est que l’aspect financier et fiscal vous préoccupe.  Il y a donc de fortes chances que vous ayez souvent affaire à des prestataires de services financiers. Ou peut-être s’agit-il même de votre métier ?

Les prestataires de services actifs dans la sphère des services financiers au sens large forment désormais une petite armée dans notre économie essentiellement tertiaire. Les troupes d’élite se composent de banquiers, d’assureurs et de gestionnaires de patrimoine, mais aussi d’hommes de chiffres comme des experts-comptables et des conseillers fiscaux. Plus bas dans les rangs se trouvent des gens qui ne savent pas toujours qu’ils font partie de cette armée. Parmi eux par exemple, bon gré mal gré, des professions non financières comme les notaires et avocats.

Une révolution silencieuse, qui n’en est pas moins virulente pour autant, est en cours dans cette armée. Avec pour conséquence des troupes considérablement décimées dans un proche avenir.

La Financial Action Task Force (FATF), l’organisation intergouvernementale spécialisée qui lutte contre le blanchiment d’argent, a reconsidéré le cadre légal belge et le respect de la législation. Les conclusions ne sont pas toutes positives. Le cadre légal est correct. Mais dans la pratique, les défaillances sont nombreuses. La bonne application de la loi anti-blanchiment est le tendon d’Achille de la Belgique. Toutes les entreprises du secteur, tous les groupements d’intérêt professionnels et tous les prestataires de services financiers ont reçu un signal : une réflexion s’impose, de même qu’un plan d’action.

Ce coup de semonce ne peut pas être pris à la légère. Les pouvoirs publics savent eux aussi qu’ils doivent de toute urgence se pencher sur un meilleur contrôle du respect correct des lois. C’est d’un tout autre ordre que de juste faire en sorte que la législation suive la réalité.

Et des défis encore plus grands se profilent à l’horizon. L’Europe a pris sa 4ème directive et les Etats Membres sont actuellement en train de la transposer en droit interne (voir « en ce qui concerne la Belgique : « La nouvelle loi anti-blanchiment : aperçu des principales modifications »). Cette fois, elle doit améliorer la prévention du blanchiment d’argent. Cela implique un nouvel arsenal de sanctions, avec entre autres des amendes colossales pour ceux qui ne font pas assez de prévention. De plus, la réputation des prestataires de services qui dépassent ces nouvelles bornes en prendra un coup. Dans le climat actuel, ni la société ni le tissu économique ne supportent que les acteurs du marché ne s’en tiennent pas aux règles.

La mise en place d’une politique anti-blanchiment digne de ce nom pèsera donc de plus en plus sur la rentabilité et la profitabilité des prestataires de services financiers. Nombreux sont ceux qui menacent de disparaître. Et ceux qui n’en ont pas conscience sont une proie idéale. Le moment est donc venu d’instaurer des systèmes de contrôle interne, de rédiger des rapports sur les transactions suspectes, etc.

Pas encore convaincu ? Suivez de près les médias au cours des prochaines semaines. Il y a quelques mois, les journaux avaient mis à la une les 3.000 premières victimes de cette révolution. Comme ils n’étaient plus en mesure de rester en ordre sur le plan administratif, de nombreux courtiers en assurances ont déjà jeté l’éponge. C’est la loi du plus fort. Mais ne vous y trompez pas. Charles Darwin a démontré que ce ne sont pas les plus gros qui survivent, mais ceux qui parviennent à s’adapter le plus rapidement. Dans ce cas aux nouvelles obligations administratives. To comply or not to comply, that’s the question.

L’Europe a pris sa 4ème directive et les Etats Membres sont actuellement en train de la transposer en droit interne.

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